Eugène SCHMIDT (1904-1985)

Biographie publiée dans la revue CONFLENT n° 152 Mars - Avril 1988

Eugène Schmidt, né à Perpignan en 1904, après des études primaires supérieures dans la section "Arts et Métiers", suit les cours de l'Ecole des Travaux Publics de Paris. Ce qui lui permettra d'être reçu, en 1926, au concours de dessinateur de la Compagnie des Chemins de Fer du Midi, dont il démissionne bientôt pour entrer à la Bibliothèque municipale de sa ville natale. Est nommé sous-bibliothécaire en 1936, bibliothécaire en 1946.

– Pendant cette décennie Schmidt écrit, dessine et peint pour son plaisir, mais il participe aussi très activement à la vie culturelle de notre région. Il publie des nouvelles et des contes dans le quotidien " La Marseillaise ", l'hebdomadaire " Regards ", des études d'histoire locale dans la revue " La Tramontane". Membre fondateur, avec Cyprien Lloansi, de la Maison de la Culture, du Comité France-Espagne, du Comité " Antonio Machado ". Membre du Conseil d'Administration de l'Ecole de Musique (il propose, avec Paul Combeau, la création d'une classe d'instruments catalans). Président du Comité départemental de l'Union Nationale des Intellectuels (il mène campagne pour que l'armée rende enfin, après deux siècles d'occupation, le Palais des Rois de Majorque à la Ville de Perpignan). Prépare l'exposition du deuxième centenaire de la bibliothèque. Décoré des Palmes Académiques et de la médaille d'argent des Arts-Sciences-Lettres. Pacifiste convaincu, il accepte, en 1959, la responsabilité, pour le département, du Comité " Garry D'avis ", mouvement des Citoyens du Monde.

– En 1964 E. Schmidt prend sa retraite et se retire à Conat.

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Ce furent ses aînés, Louis Bausil, Pierre Brune, Fons-Godail et ses amis, Martin Vivès, Charles Lafay, qui encouragèrent ses premiers essais d'artiste-peintre. Et l'écrivain Eugène Dabit, venu donner à Perpignan une conférence sur I'Art et la Vie, le convaincra de délaisser la plume pour le pinceau. " Alors, après une période de tâtonnements, écrira Henri Duclos, en 1983, dans sa préface du numéro spécial de Conflent, Eugène Schmidt se résout à affronter le public dans sa première exposition, salle Arago. C'est en 1941. Le Coq Catalan en rend compte avec enthousiasme, et Cyprien Lloansi salue les qualités de ce nouvel artiste né en Roussillon : l'authenticité, la sincérité, la foi. Désormais il partage sa vie entre ses fonctions de bibliothécaire, qu'il remplit avec une conscience exemplaire, et son amour de la peinture qui le pousse à des expositions individuelles ou collectives ".

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" C'est un talent ferme, original et déjà mûri par la recherche que Schmidt affirme dans sa première exposition... D'une pâte un peu lourde, sans éclat, mais toujours forte et animée de chaleur et de vie, sa peinture est bien l'expression de son tempérament retenu, sévère, d'une incontestable richesse intérieure. Ses paysages... ont manifestement surgi de recherches, de tâtonnements à travers soi, à travers, aussi, les meilleurs exemples de la peinture. Ses fleurs ont presque toujours ce charme mystérieux que l'éclat, un dessin trop ferme, une interprétation rigoureuse de la couleur leur enlèvent immanquablement. Mais c'est peut-être dans les natures mortes qu'il a le mieux montré ses ressources. Attiré par des choses simples, domestiques, au milieu desquelles il vit : un faitout, un toupin, une tasse, un pot, une chaise de cuisine, un filtre à café, le pain le sel et le vin, il leur a communiqué la vie, le sens rugueux, efface et pourtant essentiel, attendrissant et vivant que ces objets ne gardent que dans leur atmosphère... dans la vie des humbles, des " gens de peu ".

(Ludovic Massé, 1941).

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" Il a des qualités essentielles, la richesse d'une pâte onctueuse, les chauds et profonds coloris et une naïveté foncière qui n'est point de l'ignorance... Quand il ne cède point à la tentation de la pochade un peu crue, il a de la vigueur et des qualités de composition. Parfois la vibration de la lumière sur l'ocre des terres du Roussillon, le miroitement du feuillage, l'air libre des horizons marins lui inspirent de fulgurants tableaux où le rêve se mêle à la réalité de la plus étrange façon... Quelquefois intimiste, il réussit d'émouvantes natures mortes, surtout quand il s'en tient aux plus humbles objets ménagers, auxquels il donne un caractère touchant et cet aspect humain des choses sorties des mains d'artisan. Ses aquarelles n'ont pas ce côté sensuel. Enlevées, parfois immatérielles ou même sommaires, elles traduisent avec force une conception gracieuse et subtile de l'univers. L'art de Schmidt a quelque chose de chaud, de vivant, de robuste... "

(Cyprien Lloansi, 1943).

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" Timide par excès de sensibilité, fort par reprises et réactions vives sur lui-même. Et cela nous a valu le curieux spectacle de toiles aux tonalités douces, mesurées, sobrement harmonisées, dans des paysages fluides aux ciels nacres, des fleurs délicates et se mourant dans des fuites de nuances, des symphonies de neige en blanc majeur brusquement éclaboussées par d'autres toiles violentes et tourmentées qui emportent d'un coup l'adhésion totale, parce que l'artiste s'est abandonné à son tempérament véritable et s'est dégagé d'une contrainte pour se révéler dans une explosion de couleurs. C'est entre ces deux pôles de son talent qu'oscille l'art d'Eugène Schmidt, qui touche à la maîtrise tout en ayant l'air de chercher encore sa voie déjà toute tracée. Entre ces extrêmes il faudra qu'il choisisse un parti : celui d'être véritablement lui-même, hardiment, dans une affirmation de sincérité qui prolonge le choc ressenti et l'impose au visiteur. "

(Antoine Orliac, 1953).

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" ... Utilisant dans une synthèse habile et vivante, des moyens qui illustrèrent parfaitement la fin du XIXe siècle (Nabis par exemple) ou le début XXe (fauvisme, entre autres), Schmidt se fait le chantre consciencieux, rude à bon escient, poète sans excès, des joies simples et des sentiments délicats. Il est l'homme des paysages rouillés, vaguement mélancoliques, où s'ordonnent de belles masses jaunes, ocres et mauves ; des marines fortement charpentées, un peu lourdes, qui font penser à Verlaine ; des bouquets trapus écrits avec résolution par touches franches et épaisses ; des natures mortes enfin, où veille un rien de Cézanne dans une atmosphère intimiste, qui alourdit les objets, les sensualise partiellement. Le métier est beau et modeste, recourant plus volontiers aux compositions simples et évidentes, à un dessin sous-jacent dévoré par la pâte et à des coloris réputés pour s'associer heureusement selon des critères classiques, qu'à des architectures tourmentées, au trait déifié et à des chocs de valeur. Fidèle à lui-même. donc. Des tentations se font jour pourtant, qui vont certainement de pair avec l'affinement de la technique. Une belle lumière claire et dorée frappe paysages et natures mortes, qui respirent davantage que par le passé. Il y a cela ici et, plus loin, dans d'étonnants tournesols, la recherche d'un certain expressionnisme brutal, agissant par touches musclées et couleurs drues. "

(Jean Thiéry, octobre 1962).

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" Le cas est curieux de cet artiste cultivé et naïf à la fois, venu à la peinture par une irrésistible et tardive vocation et dont l'érudition artistique et littéraire n'étouffe pas la personnalité... Schmidt recrée la nature à l'image de son âme qui est simple, droite et bonne, et l'on ne pense pas, tant l'impression de chaleur et de vie que nous donnent ses toiles est saisissante, à rechercher et à analyser une technique que l'artiste trouve d'instinct, un équilibre et des harmonies qui n'ont rien de prémédité et qui viennent sous son pinceau comme de beaux vers sous la plume d'un poète inspiré. Car Schmidt est peintre et poète-né et chantre de notre terre du Roussillon. "

(Paul Combeau).

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Mais Eugène Schmidt était aussi, à ses heures, un historien. Il nous en donna la preuve en nous confiant la publication de son étude sur la baronnie de la " Vall de Conat "

(Conflent N° 124, 1983 – édition épuisée depuis longtemps).

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EXPOSITIONS

1941 : Première exposition Salle Arago, à Perpignan.

1942 : Les Arts en Quercy, à Cahors.

1944 : Salon d Automne à Perpignan. au profit du village-martyr de Valmanya.

1945 : Salon des Artistes Indépendants aux ESSI.

1946 : Exposition à Rià-Sirach. Salon des Artistes catalans, à Paris.

1947 : Exposition " L'Art vivant en Languedoc-Roussillon ", à la Galerie " La Décoration ", à Montpellier. Galerie Selam, à Arcachon. Exposition à la Salle Arago, avec le sculpteur Ludovic Ollivier et le peintre Martin Vivès.

1948 : Salon d'Art catalan, à Banyuls-sur-Mer. A la Salle des Mariages de Céret : 14 aquarelles de Fons-Godail, 35 peintures de Schmidt, 25 sanguines et dessins de Reboul.

1951 : Salon d Automne de la Société des Arts du Languedoc, à Narbonne.

1954 : Schmidt accroche pour la dernière fois ses toiles à la cimaise du vestibule de la Salle Arago.

1957 : Peintres témoins du Languedoc, Galerie Les Genêts, à Paris.

1958 : Salon Pyrénées-Aquitaine, Galerie Raymond Duncan, Paris. De même en 1961 et 1967. Galerie Bernheim, Paris.

1962 : Biennale des Peintres de Province, à Villeneuve-sur-Lot. Atelier 45, avenue de la Gare, Perpignan.

1963 : Présentation des oeuvres d'artistes catalans par la Société de l'Ecole Française, au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris. De même en 1964.

1965 : Salon " Art nostre ", à Bélesta-de-la-Frontière, à l'initiative de Francis Pasquier. Galerie de la Main de Fer, Perpignan.

1969 : Hommage au peintre Francis Pasquier, au Centre d'information Aude-Hérault-Roussillon, Paris.

1978 : Salon de Peinture de l'U.F.O.L.E.A., dans la vieille église de Saleilles.

1980 : Expo 80 à Cabestany : Hommage à Camille Descossy. Expo 81.

1981 : Invitation à l'exposition " Presencies del Rossello " au Museu de l'Emporda, à Figueres.

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Eugène Schmidt a illustré deux ouvrages de Jean Olibo : " Bretagne mienne " et "Roussillon, terre des Dieux ".

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Ses tableaux se trouvent dans de nombreuses collections particulières, mais ils ornent également, comme il se doit, la Mairie de Perpignan, la Préfecture, la Salle des Concerts du Conservatoire, la Caisse d'Epargne, le Cercle " Lo Pardal ", la Mairie de Thuir et le Musée d'Art Moderne de Céret. Nous renouvelons notre souhait, exprimé en 1983 dans " Conflent ", de voir, un jour, quelques toiles du peintre de Conat exposées à Prades à côté des oeuvres de Martin Vivès, son compagnon de route.

En 1988 un hommage sera rendu à Eugène Schmidt : une plaque de bronze à son effigie, oeuvre du sculpteur Manolo Valiente, un autre ami de longue date, sera dressée à l'entrée du petit village de Conat, accroché au flanc de la vallée, ce village et cette vallée que notre artiste a tant aimés et qui furent souvent la source de son inspiration.